Carl Rogers et l’Approche Centrée sur la Personne

Dans mes relations avec autrui, j’ai appris qu’il ne sert à rien à long terme, d’agir comme si je n’étais pas ce que je suis.

Carl Rogers

Que l’attitude rogérienne des maîtres puisse jouer un rôle bénéfique et réparateur, à la mesure des difficultés des expériences vécues à l’Ecole, telle est bien notre conviction.

Jean-Daniel Rohart, Carl Rogers et l’action éducative, 2008

« Carl Rogers ( 1902 – 1987 ) fut l’un des plus éminents psychologues américains de sa génération. Il avait de la nature humaine une conception peu commune à partir de laquelle il élabora une psychothérapie originale qui lui donna une vision personnelle de l’éducation.

Une certaine contradiction marque sa carrière. En effet, ses qualités personnelles ainsi que ses compétences en matière de psychologie sont largement reconnues, il est cité dans de nombreuses études comme l’un des psychologues américains les plus influents, et pourtant, sa démarche thérapeutique a provoqué de nombreuses controverses. Sa méthode était à l’image de l’idée qu’il se faisait de la nature humaine. Il considérait, en effet, que l’individu possède en lui une capacité de s’auto-actualiser qui, une fois libérée, lui permet de résoudre ses propres problèmes. Plutôt qu’agir en expert qui comprend le problème et décide de la façon dont il doit être résolu, le thérapeute doit, selon lui, libérer le potentiel que possède le patient (que Rogers préfère appeler « client ») pour résoudre par lui-même ses problèmes personnels. C’était là une conception de la thérapie qui ne pouvait que susciter la controverse, car elle allait à l’encontre de l’idée, généralement répandue au sein de la profession, que le patient, ou client, a besoin d’un spécialiste pour résoudre ses problèmes.

C’est la même conception de la nature humaine qui a inspiré ses écrits sur l’éducation, dans lesquels il affirme que l’élève a des motivations et des enthousiasmes qu’il appartient à l’enseignant de libérer et de favoriser.» (1)

Les travaux de Carl Rogers ont donné naissance à un champ de recherche, l’Approche centrée sur la personne ( par opposition à la centration sur le problème)  et défini les principes d’une « écoute active » ou «bienveillante » :  Carl Rogers nous invite à une écoute « empathique » et « congruente ».

Lorsqu’il évoque la congruence, il nous dit : « J’entends par ce mot que mon attitude ou que le sentiment que j’éprouve, quels qu’ils soient, seraient en accord avec la conscience que j’en ai. Quand tel est le cas, je deviens intégré et unifié, et c’est alors que je puis être ce que je suis au plus profond de moi-même. C’est là une réalité qui, d’après mon expérience, est perçue par autrui comme sécurisante » ; quant à l’empathie, il s’agit pour lui de « « sentir le monde privé du client comme s’il était le vôtre, mais sans jamais oublier la qualité de comme si … »

De même, il  nous incite à une « attitude inconditionnellement positive » : prendre en compte ce que le client dit tel qu’il le dit, même si cela étonne ou même si c’est complètement faux, parce que ce qu’il dit est vrai pour lui au moment où il le dit. Un deuxième temps sera consacré à « comment le faire bouger » mais l’écoute à ce moment – là doit être totale.

Quels sont les principes de l’écoute active ?

  • l’authenticité
  • la non directivité
  • le respect et la considération
  • l’empathie et la congruence
  • l’attitude inconditionnellement positive

Quelle en est la technique ?

  • l’écoute :
    • Accueillir l’autre comme il est et favoriser la confiance
    • S’intéresser plus à la personne qu’au problème
    • Montrer à l’autre qu’on le respecte
    • Etre miroir de l’autre
  • le questionnement
    • Utiliser des questions ouvertes
  • la reformulation
  • l’importance du silence
  • l’importance d’une attitude non-verbale de disponibilité

Pourquoi les acteurs de la Gestion Mentale s’intéressent-ils à l’écoute active et à Carl Rogers  ?

Le dialogue pédagogique, comme tous les autres types de dialogue métacognitifs, met en œuvre les principes de l’écoute active.

Antoine de la Garanderie nous le rappelle dans « Apprendre sans peur » :

« Renseigner et non pas enseigner, avoir le souci d’être toujours compris, n’est ce pas respecter la liberté de l’interlocuteur en le mettant en situation de responsabilité ? Ce programme peut paraître tout simple à réaliser. Rogers estime, au contraire, qu’il exige une formation qui concerne le savoir-être plus que le savoir-faire. Il en a synthétisé la présentation en formulant cinq principes auxquels tout pédagogue, qu’il soit psychothérapeute, enseignant ou formateur, devrait impérativement se conformer. Les voici :

  • Aucun être humain ne maîtrise totalement sa vie. Il y a des actes qu’on a pu commettre et qu’on a mis à l’écart de sa conscience. Il en est d’autre dont le rappel est une souffrance. D’autres encore, au-dedans desquels on ne parvient pas à se reconnaître. Le pédagogue de la liberté n’a pas à s’exclure de ce portrait qui est autant le sien que celui de ses interlocuteurs. Il se doit donc de maintenir présent dans sa conscience cette vérité première : on n’est pas plus à l’aise avec soi qu’autrui ne l’est avec lui-même.
  • Le pédagogue de la liberté doit être, selon le mot de Rogers, «  congruent ». Cela veut dire qu’il doit, en s’interrogeant, se tester constamment afin de s’obliger à se dire ce qu’il pense, ce qu’il croit, ce qu’il veut être et agir en conséquence. Dans un autre langage, on qualifierait ce principe par le terme d’authenticité.
  • Le pédagogue de la liberté doit estimer que toute personne a le droit d’avoir ses propres sentiments et expériences et qu’il lui appartient de trouver leurs propres significations. C’est le respect de l’authenticité d’autrui, de son devoir d’être lui aussi « congruent ». Rogers désigne ce principe par l’expression « considération positive inconditionnelle ».
  • Le pédagogue de la liberté doit aussi s’efforcer de comprendre ce que ressent son interlocuteur, de tenter de faire sien ses sentiments, ses émotions, ses passions. Le mot sympathie ne lui semble pas assez fort pour donner le sens précis qui convient à ce principe. C’est pourquoi Rogers utilise le terme d’empathie. Avec la sympathie, on se met avec l’autre ; avec l’empathie, on est en l’autre.
  • Le pédagogue de la liberté doit faire tout son possible pour que l’interlocuteur saisisse le « sens » de la relation qu’il entend vivre avec lui, c’est-à-dire une relation que caractérisent les quatre premiers principes. » (2)

 ( 1 ) Perspectives : revue trimestrielle d’éducation comparée (Paris, UNESCO : Bureau international d’éducation), vol. XXIV, n° 3/4, 1994 (91/92), p. 429-442. UNESCO : Bureau international d’éducation, 2000 : http://www.ibe.unesco.org/sites/default/files/rogersf.pdf

(2) Antoine de la Garanderie, Apprendre sans peur, Chronique Sociale 2002

Pour approfondir

  • Une biographie : http://www.psycho-ressources.com/bibli/carl-rogers-biographie.pdf
  • Jean Daniel Rohart , Carl Rogers et l’action éducative, Chronique Sociale 2008
  • Carl Rogers,  Le développement de la personne, traduction française, Dunod 1968
  • Antoine de La Garanderie, La pédagogie de la liberté chez Carl Rogers, in Revue Gestion Mentale N°7, Bayard Editions 1995