La Gestion mentale

La gestion mentale ne s’épuise pas dans la communication de recettes de cuisine mentale pour s’adapter à des tâches prescrites. L’expression pourrait conduire à cette compréhension restreinte de son ambition. Elle est essentiellement caractérisée par l’exigence de connaître, de comprendre le monde mental dans ses modes d’existence. Un monde mental qui est déjà, et même toujours en situation de gestion.

Antoine de La Garanderie cité par Jean –Pierre Gaté « Eduquer au sens de l’écrit » Nathan 1998

La Gestion Mentale ou Pédagogie des gestes mentaux, est une démarche fondée sur les travaux d’Antoine de La Garanderie (1920-2010).

Cette démarche décrit et étudie les processus mentaux mis en œuvre dans tout apprentissage, depuis la prise d’information et le traitement de celle-ci jusqu’à son utilisation.

La gestion mentale est une démarche personnelle d’accès aux actes de la connaissance et non pas une méthode clé en main, avec «valise pédagogique » comme le soulignent les auteurs du Vocabulaire de la Gestion Mentale : « Antoine de La Garanderie n’a jamais écrit de traité de gestion mentale. Il n’a pas soutenu l’idée d’une méthode pédagogique qui détiendrait les réponses à toutes les difficultés pédagogiques et scolaires ».

La démarche d’Antoine de La Garanderie a été fondamentalement positive et humaniste.  Il a interviewé ses étudiants à partir de situations d’apprentissage réussies pour faire émerger les processus mentaux mis en œuvre lors de ces apprentissages. Il a ainsi mis en évidence le rôle fondamental de l’évocation comme outil de pensée et étudié ce qu’il a appelé des « gestes mentaux » : l’attention,  la mémorisation, la compréhension, la réflexion et l’imagination créatrice. Ces cinq gestes ont été décrits précisément dans leurs structures, ce qui permet de les enseigner. Est ainsi proposée une didactique des actes de connaissance indépendante des disciplines scolaires. La gestion mentale est une démarche transversale.

Quelques précisions théoriques

Pour Antoine de La Garanderie, comme pour d’autres auteurs qui se situent dans le champ de l’éducabilité cognitive, l’intelligence n’est pas un don. Elle est éducable.

La démarche Gestion Mentale se base sur des postulats :

  • Les habitudes mentales peuvent évoluer pour peu qu’on le veuille et que l’on sache comment s’y prendre
  • Nos réussites et nos échecs sont déterminés par nos habitudes mentales
  • Les habitudes mentales sont accessibles à l’introspection pédagogique

La gestion mentale est donc une démarche optimiste reconnaissant à l’apprenant des ressources pédagogiques sur lesquelles il va pouvoir prendre appui : ce sont ses habitudes mentales, les siennes ou celles qu’il va pouvoir acquérir avec une aide pédagogique appropriée.

Au niveau théorique, pour Jean-Pierre Gaté, le modèle de la Gestion Mentale repose sur un «  triptyque théorique » qui s’articule autour des trois pôles :

  • L’évocation
  • Le geste mental
  • Le projet

Jean-Pierre Gaté nous dit que « l’activité mentale est mouvement, ce que traduit bien, d’ailleurs le terme de « geste mental ».

Le geste mental, comme un geste physique, se développe dans le temps ; il a un commencement et se poursuit jusqu’à une fin (laquelle est explicitement ou implicitement visée). La différence entre le geste physique et le geste mental n’est pas dans le déroulement de l’opération qui peut être strictement identique dans les deux cas. La différence réside dans la nature des objets sur lesquels porte l’opération. Dans le cas du geste physique, ces objets sont des choses matérielles. Dans le cas du geste mental, ces objets sont imaginés.

Sur un plan cognitif, toute opération mentale peut être considérée comme un geste dont le déroulement est descriptible. Comparer, classer, ordonner, juger, raisonner, conceptualiser, abstraire, constituent le fruit d’opérations mentales, donc de gestes mentaux, dont on aura l’intelligence si l’on prend soin d’en décrire le déroulement du début à la fin.

Antoine de La Garanderie base toute sa théorie sur l’existence de fonctionnements mentaux qui structurent la pensée et sont à l’origine des aptitudes de certains élèves au niveau scolaire. Il a ainsi pu repérer cinq gestes mentaux structurés : l’attention, la mémorisation, la compréhension, la réflexion et l’imagination créatrice.

Ces gestes mentaux s’articulent autour d’évocations mentales dont l’importance est capitale… Ainsi, ce que l’on voit, touche, entend, ressent… est traduit sous forme d’images mentales visuelles, auditives, verbales et même tactiles qui permettent de se représenter mentalement ce que l’on a perçu.  Évoquer c’est rendre présent en soi ce qui nous est donné en perception, faire vivre l’information mentalement, « dans sa tête »…

Cependant, ces évocations ne peuvent être mises en œuvre que si la personne a auparavant le projet de se représenter ce qu’elle perçoit : «C’est bien avant de percevoir qu’il convient d’être en situation de projet, pour à l’avance, jeter devant soi, ce qu’on vise à capter pour soi. Le projet d’évoquer est la condition sine qua non de la constitution de ces représentations déterminées que sont les évocations» précise A. de la Garanderie. Par exemple, pour être attentif, il convient, en présence de l’objet de perception, de se mettre en projet d’évoquer le perçu et de réaliser ce projet : revoir « dans sa tête », réentendre ou se parler à l’intérieur de soi-même, etc.

Plus généralement, si l’évocation fournit les contenus de l’activité mentale, la matière vivante de la pensée, le projet lui donne sa structure et sa direction. De même qu’il y a plusieurs formes d’évocation en fonction des habitudes mentales prises par les sujets, de même il y a plusieurs structures de projets de sens susceptibles d’orienter et de dynamiser cette activité (pour être attentif, mémoriser, comprendre, réfléchir, imaginer…)… »

Pour Jean-Pierre Gaté, « ces trois concepts que sont le geste mental, l’évocation et le projet sont indissociables pour rendre compte de la réalité vécue de la pensée. »

Car il s’agit bien de pouvoir décrire la réalité mentale : les modèles théoriques d’une façon générale nous servent à décrire et à comprendre le monde des êtres et des choses.

La théorie de la Gestion Mentale, en décrivant de façon précise les différents processus mentaux, nous permet de les identifier, d’en prendre conscience et de les enseigner.

Il est donc possible d’enseigner, comme tout autre contenu, les gestes mentaux de l’apprentissage, souvent considérés comme évidents. Or, pour de nombreux élèves, il est nécessaire d’expliciter le comment faire pour … être attentif en classe, mémoriser un cours, imaginer, comprendre un énoncé, réfléchir pour préparer et anticiper un contrôle ou un examen, etc… Devenant conscient de ses habitudes mentales, l’élève peut alors les utiliser et les enrichir.

La pédagogie des gestes mentaux est une pédagogie de l’explicite.

Accéder à l’intégralité de l’article de Jean–Pierre Gaté sur la revue Educatio